Au revoir Montréal.

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Ils étaient grands ouverts, dès le lever du rideau, incapables de tout voir mais cherchant à tout apercevoir. Et puis, peu à peu, ils se sont mis à cligner, comme pour mieux regarder, ou bien pour oublier. Tout au long du spectacle, ils se sont affutés, devant toutes ces nouveautés. Ils se sont ouverts encore plus grands, ils se sont dispersés ça et là pour comprendre un peu mieux leur pouvoir illimité. Ils ont saisi qu’en regardant, ils donnaient une valeur et un goût singulier, et puis finalement, ils ont saisi que cette valeur n’était qu’une infime poussière de leur potentiel inestimé. Alors que le spectacle continuait de se dérouler, ils se sont mis à penser que s’ils voulaient le déguster, ils devaient d’abord s’assumer, sans s’oublier et sans se laisser emporter par les milliers d’autres, parfois peut-être plus affutés sans pour autant être plus légitimés, mais appelant à être respectés, quelle que soit leur visée. Alors ils ont appris à les tolérer, voire même les apprécier, et à eux-mêmes se respecter. Alors ils se sont transformés.

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Le monde n’est beau que si nous le regardons. J’ai compris cela au milieu du désert. C’est la nuit, il fait froid, vous êtes immergé dans la beauté. Pourquoi est-ce beau ? La réponse est évidente : parce que vous êtes là. Ceci n’est pas sans conséquence sur notre position face aux dangers actuels courus par l’humanité. Nous n’avons pas le droit de laisser l’humanité se suicider, ce serait priver l’univers de sa beauté.
Albert Jacquard (citation) et Jacques Lacarrière, Science et croyances

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Le soleil vient de se coucher, je survole les nuages et je m’éloigne peu à peu de Montréal. Je repense à cette année qui vient de s’achever bien trop rapidement… En fait je crois qu’une année à l’étranger, quels que soient le pays, le programme ou le résultat, permet de comprendre bien des choses sur la culture dont on pense avoir hérité, sur la personnalité que l’on pense s’être forgée et sur la société dans laquelle on pense avoir évolué. On apprend beaucoup, on s’étonne beaucoup, on vit des choses pas toujours belles, mais on grandi tellement. Se délecter de la plus grande simplicité, se préoccuper de la plus petite frivolité. C’est peut-être ça finalement grandir. Sortir peu à peu de son cocon, ouvrir les yeux, être ébloui, ne pas comprendre, avoir peur, et puis apprendre à se détacher et perdre « le » temps.

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Si le cœur s’arrête, on ne peut plus continuer comme avant et si la tête se détache de tout et ne tourne plus rond, la personne perd ses attributions et ne profite plus de la vie. Je pense que pour vivre, il faut s’y prendre très jeune, parce qu’après on perd toute sa valeur et personne ne vous fera de cadeau.
Romain Gary, La vie devant soi

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Alors un grand merci à toutes les personnes rencontrées cette année, pour ce qu’elles sont, pour ce qu’elles ont su partager et ce qu’elles m’ont permis de réaliser – pour (plus ou moins dans l’ordre) les soixante shows de l’année, les feux de camps à Saint-Henri, les pommes et le mont Saint-Hilaire, les gâteaux aux bananes et les smoothies, les cours de St-Jean, les pauses Mont-Royal, le canapé du 544, la samba de l’Escalier, les vingt-et-une pages d’affilée, le yoga-philo, le doux Flat Five, le charme d’un chalet, la soupe miso et les tartines beurrées, les échappées sur le pouce, les Andros et la flûte de l’avenue de l’Épée, le séjour Greyhound et NYC de justesse, les descentes en sac plastique, les vibrations de la harpe et la fluidité d’un archet, la visite d’Oka, la sonate d’Horovitz, l’orchestre de la Côte Nord, les fous-rires des Tableaux, les carrés aux bleuets, les trajets poussettes et marelle, la tente sur le gazon du Rideau d’Ottawa, les promenades en pick-up, le vélo pluvieux, le Canal Lachine, les « Indiens »-les châtaigniers-et les peaux d’ours, la rue Ste-Marguerite, la bêche et les chacras, les poubelles des fruiteries, les dessins sur les murs, et les saveurs de l’été.

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Ouvrez les yeux, car chaque jour, le spectacle continue.

 

 

 

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